Fourmis
- Valentine Birnbaum
- 10 oct. 2020
- 2 min de lecture

7h30 : Mon réveil sonne. Encore un matin comme les autres, insipide. Je me lève péniblement. Les yeux encore fermés je me prépare un café, machinalement, avant de me poser sur la terrasse en lisant les nouvelles inintéressantes du jour.
Ah ! « Cent cinquante-huit morts en Syrie, et un nouvel attentat à Washington », encore des bonnes nouvelles dit donc ! J’en peux plus de ce quotidien déprimant, que des horreurs et jamais une putain de bonne nouvelle dans ces journaux ! Ou peut-être juste que le pire est plus vendeur… Je tourne la page, « la fusée M104-C vient de décoller de Cayenne ce matin à 6h08 ». Ça m’a toujours impressionné les fusées. J’ai toujours été envieux des astronautes, qui vivent ce qu’aucun autre être humain n’oserait jamais même espérer rêver de vivre. Ils découvrent le monde, le vrai, au-delà de notre petite planète d’égoïstes et de pessimistes dont je fais partie. Ils font face à l’avenir, au grand, à la beauté éblouissante de ce qu’on ne maîtrise pas. Ils ont ce privilège fabuleux de pouvoir se sentir à nouveau vulnérable face à l’inconnu, de redevenir des êtres ignorants et totalement soumis aux forces de la nature. Je les jalouse parce que j’ai envie moi aussi d’être confronté à cette réalité, de faire connaissance avec l’infini. De réaliser à quel point on est dérisoire, à quel point notre modeste vie est ridicule.
Nous sommes de minuscules fourmis qui considérons notre fourmilière comme le centre du monde. Nous ne sommes en rien utiles à la nature, seulement sous son contrôle absolu et sa totale influence. Je ne peux que souhaiter être un jour moi aussi face à cet espace terrifiant et devoir me rendre à l’évidence de l’inutilité que l’on représente ; de l’insuffisance de notre vie, de la médiocrité de nos tracas quotidiens. Nous nous enfermons dans notre petit monde, persuadés qu’on y trouvera les réponses à nos questions banales, sachant pertinemment qu’elles sont sans intérêt.
Notre vie est misérable, notre impact méprisable, mais nous nous comportons comme des dieux. Nous sommes plus petits que des fourmis mais nous nous prenons pour des éléphants.
Valentine Birnbaum
Le 3 mars 2017, train
| Photo © Valentine Birnbaum, 2020, Mont Forchat
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