top of page
Rechercher

Enivrance condamnable

  • Photo du rédacteur: Valentine Birnbaum
    Valentine Birnbaum
  • 27 nov. 2020
  • 2 min de lecture

L’odeur de l’interdit embaume l’habitacle comme une incitation à enfreindre toutes les barrières. Rien n’est plus palpable que le désir qui le démange, alors pour soulager l’irritation, il s’aventure dans des regards incertains. Et tandis que son tâtonnement s’accroche aux rouages de la curiosité, le manège de la tentation prend fatalement de la vitesse. Dans un élan audacieux il lui jette un coup d’œil, comme pour l’inviter à rejoindre la partie d’un jeu qui ne se joue qu’à deux. Et sans crier garde, le gout exquis et inattendu de la réciprocité le surprend au travers d’un sourire hésitant. Le foyer de l’attirance s’enflamme dès lors et le jeu de l’inconscience commence pour les pénitents.

Confinés dans cette bulle prisonnière de leur espace-temps ils se risquent à en admirer les contours, à contempler sa fragilité avant qu’elle n’explose. Rien est dit, rien est entreprit, pourtant tout est enfreint et chacun sait la place qu’il met en jeu dans cette partie. Jamais certainement, un battement de cil n’aura eu autant d’importance à leurs yeux, alors ils savourent secrètement le fruit de leur culpabilité. Un fantasme trop effrayé pour s’admettre entièrement, tout réside dans des points de suspension. Ils restent infaillibles, impassibles, inchangés aux regards extérieurs pendant qu’eux s’observent passionnément. Un changement infime dans l’attitude, une fraction de seconde ajoutée aux regards volés, une pointe de flamme saupoudrée dans la tonalité, c’est tout ce qui leur suffit pour comprendre leurs intentions, pour se comprendre. Leurs pulsions se livrent à des ébats charnels et les passions s’épicent un peu plus à chaque coup d’œil. C’est que, rien d’officiel ne pourrait jamais les blâmer alors même que l’informel a été violemment souillé.

L’interdit, c’est peut-être tant ce qui les attire. Plonger dans les abysses du mal, savourer la frontière délicate qui s’immisce entre le désir et la souffrance. Ils risquent gros rien qu’en envisageant cette possibilité. Le goût du risque qu’éprouve le joueur de poker ou cette euphorie addictive de frôler la destruction, de s’imaginer maitre de son destin. L’idée n’est même pas de braver des barrières, l’achèvement du désir paraît même trop violent et brutal dans l’esprit du coupable. Non, le « balbutiement d’un éventuel envisagement » satisfait amplement la soif d’aventure du pécheur.

Que le fantasme reste un fantasme, c’est là son devoir. Que le doute reste un doute, c’est là tout son pouvoir. Que l’instabilité des relations et des rôles assignés stagnent entre deux mers, c’est là que naît le désir. Plus rien est sûr, tout est possible et tous les chemins envisageables tant qu’aucune concrétisation n’est entreprise, tant qu’aucun choix n’est fait. C’est cette étendue si vaste, cette liberté des horizons qui appellent l’aventurier. Le choix de ne pas choisir, pour un moment, de se laisser flotter dans les courants périlleux de l’imaginaire. Arrêter de ramer dans le sens de la vague et goûter au plaisir que la dérive de la barque procure en soi. Un instant, le corps et l’esprit se prêtent aux douces saveurs d’un monde sans principe, ils s’affranchissent du poids moral qui pèse tant et s’envolent sereinement dans les nuages du « et si… ».

Un battement de cil suffit à faire voyager l’aventurier qui a soif d’évasion.



Valentine Birnbaum

le 25 mars 2020, Montpellier



| Photo © Valentine Birnbaum, 2020, Saint-Jean de Buèges


Comments


© Valentine Birnbaum 2020

bottom of page