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Le spleen

  • Photo du rédacteur: Valentine Birnbaum
    Valentine Birnbaum
  • 29 oct. 2020
  • 3 min de lecture

Les jours où même le soleil le plus radieux ne saurait réchauffer notre âme. Ce moment d’incertitude, entre deux mondes, entre deux mers. Plus rien est stable, tout peut vriller, tout et son contraire peuvent arriver. Les mots qui défilent dans les pensées ne savent qu’apitoyer cet état d’impuissance que mêle la mélancholie. Une flemme s’empare également de notre volonté et plus aucune envie ne motive à sortir de ce schéma.

C’est le few des tahitiens, non pas un apitoiement mais une passivité qui s’éprend du corps. Tout jugement est aboli, ou rentre dans cette phase d’acceptation. Le spleen, c’est faire face à une conclusion déplaisante mais dont on sait que le raisonnement est juste. C’est prendre conscience d’une réalité qu’on ne voulait pas s’avouer auparavant. C’est avoir eu le courage de ne plus se mentir. Le spleen, ou le few, reflète la tristesse du passage d’un passé vers un futur. Il est douloureux, mais pour autant sa présence n’est pas redoutée. Le chagrin qu’il stimule n’est pas fui. Car si cette émotion est dure à affronter, c’est seulement par les coups tranchant que nous plantent ses vérités. Le spleen est une étape. Il signe le passage entre un avant et un après. Il constitue le deuil inéluctable que doit franchir celui qui veut progresser. Douloureux, long et périlleux, il constitue le chemin que l’aventurier traverse pour continuer son voyage. Le spleen constitue ce battement où l’individu prend le temps de s’écouter, prend le temps de faire face à un de ses piliers qui s’est fragilisé et doit réaliser qu’il est temps de s’en charger. De le rénover et d’investir les fonds, de le changer totalement, ou de le raser et construire autre chose à la place. Le spleen est cet entre deux mondes, instable, ou rien est clair, tout se mélange, où l’on est plus sûr de ce qu’on sait, de ce qu’on croit, de ce qu’on veut. Mais il est justement pour ces raisons, l’outil essentiel pour réparer un engrenage dysfonctionnel. Parce qu’un moment, la technique de l’autruche n’est plus suffisante pour se cacher de la pluie qui s’abat sur nous. Le spleen est le courage de lever la tête et d’accepter de se faire tremper le temps de trouver une solution. Il représente la première étape de changement de situation ; le début nécessaire à retrouver un équilibre plus stable. Il est ce moment de vacillement lorsque l’on déplace notre centre de gravité sur un fil de funambule. Il est cette humilité et cet abaissement de la fierté pour accepter la réalité et agir pour ne pas sombrer. Le spleen intervient comme un mécanisme de survie lorsque notre intégrité est en danger et nos mensonges ne sont plus suffisamment capables de la sauver. Lorsque toutes nos autres ressources de fuite et d’évitement sont épuisées et qu’il ne nous reste plus que l’affront. Le spleen c’est la conséquence de notre combat avec la vérité. Il est délicat à vivre car comme tout combat, des plumes se perdent et des vérités douloureuses s’imprègnent dans nos viscères comme des coups de poing dans l’estomac. La douleur est réelle et le corps est abîmé, fatigué, épuisé, il souffre et ses plaies sont très profondes. Mais c’est fini. Toute l’appréhension qui rongeait depuis tout ce temps les artères de l’organisme de ce poison mortel qu’est la peur est enfin soignée.

Comment avoir peur de ce qui est déjà le passé. Comment avoir peur de ce qui ne nous a pas tué. Le spleen fait mal mais il est la garantie que le chemin avance. Le combat dont les séquelles sont encore vives a permis de changer la vision de certains aspects. De ne plus stagner, de ne plus se laisser couler dans les sables mouvants du problème. Il faut donc arriver à ce stade de réalisation que notre vie est en danger si on ne fait rien. Activer son cerveau reptilien et le laisser assembler de nouvelles solutions pour se sauver. Des solutions auxquelles nous n’osions pas penser car nous n’avions alors pas besoin d’y penser. Le spleen intervient exactement entre ce moment d’éteinte du néocortex et la stimulation du cerveau primitif. Ce dernier, réveillé par quelques indices environnementaux ne peut exercer sa fonction que si le néocortex se met en veille, chose qu’il a du mal à concéder. Le spleen, c’est cette acceptation de laisser l’animal qu’est en nous s’occuper de la situation. C’est admettre que nos comportements et réflexions antérieurs ont échoués et que la survie est trop en danger pour maintenir une guerre de fierté. Le spleen c’est réaliser qu’on ressent. Le spleen c’est mettre sa fierté de côté et accepter de souffrir.



Valentine Birnbaum

Le 04/05/2020, sur les toits de Montpellier, confinement


| Photo © Valentine Birnbaum, 2020, Hienghène - Nouvelle-Calédonie

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