Écrire pour ressentir
- Valentine Birnbaum
- 30 oct. 2020
- 2 min de lecture

Je comble ce vide de peur d’y laisser une page blanche. Comme si j’en craignais son pouvoir sur moi, sur l’empreinte qu’elle déteindrait sur ma peau, je m’attache à l’évincer. Craintive de ne pas supporter les conséquences, mon corps s’attèle à la tâche. Aucun mot n’a expressément envie de sortir plutôt qu’un autre mais ils obéissent, avertis que l’effort leur coutera moins au décompte final. Alors ils parlent, pour ne rien dire. Sur ces lignes qui s’écoulent à la mélodie apaisante de la pluie, je me demande ce qui me pousse à continuer. Une envie de combler se mêle à celle de s’entraîner, de s’occuper vainement comme rempart à toute autre préoccupation mentale ou pratique. Il me semble que mon désir s’élance plus loin encore. Montrer un jour mes exploits, mes doutes, mes réflexions…. Oui mais ceux-ci révèlent le fond de mon âme…
C’est ainsi que je réalise mon goût, que dis-je mon obsession pour l’assemblage de mots. Le fond semble être manquant au rendez-vous mais rien n’empêche la continuité de mes propos. À vrai dire, j’écris pour écrire, parce que la sensation que procure le frottement de la mine sur le papier, les angles qu’affrontent mes poignets pour maintenir une calligraphie notable et la douleur qui s’intensifie dans mes doigts à chaque effusion d’idée, me font jouir de plénitude. Mon cerveau aussi savoure inlassablement et impunément ce moment. Trouver les bons mots, ceux qui sonnent parfaitement l’idée que je me tente à retranscrire, l’intonation que je cherche à transparaître et la couleur des émotions que je me peine à raconter sont autant de voluptés et d’exercices auxquels se prête volontiers mon esprit. J’aime à me surprendre, à développer, à me challenger autant sur le fond que sur la forme.
Écrire est devenu pour moi la meilleure expression de mes incertitudes, de mes passions, de mes réflexions et de mes questions qui n’osaient pas s’aventurer sans support. Écrire m’a permis de me confier, de partager, de m’exposer, de me risquer, de tester, de savourer. Mais surtout, écrire m’a permis de me libérer de mots bien trop lourds pour mon cerveau, bien trop présents pour mon attention, bien trop gros pour ma vision. Écrire tout ce que je n’ai jamais su dire. Écrire a ouvert les entrailles de mes pensées jusqu’alors trop timides pour affronter le monde brutal du concret. J’ai su mettre des mots sur ce que je ressentais, prendre du recul sur ce que je désirais.
Et puis j’ai pu me relire. Redécouvrir des périodes de ma vie, des moments qui avaient comptés, des réflexions qui m’avaient forgées. J’ai pu observer mes forces et mes faiblesses, mes capacités et mes craintes, j’ai pu me découvrir avec le recul du lecteur. Distante de la chronologie émotionnelle, certains textes m’ont sublimé et d’autres effrayé. Écrire m’a donné un accès éternel aux preuves de mes émotions. Et maintenant je ressens.
Valentine Birnbaum
Le 25/03/2020, Montpellier
| Photo © Valentine Birnbaum, 2020, Hienghène, Nouvelle-Calédonie
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