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Santé mentale

  • Photo du rédacteur: Valentine Birnbaum
    Valentine Birnbaum
  • 2 janv. 2021
  • 5 min de lecture

Le moment d’après. Lorsque la pluie d’hormones a cessé. Lorsque la tempête de l’âme s’est calmée. Lorsque l’amok s’est exprimé. Qu’est-ce qui se passe une fois que la raison revient aux commandes et qu’elle constate les conséquences du passage à l’acte de nos émotions ? Agir sous impulsion n’est en soi pas si difficile à manœuvrer. C’est l’après coup le plus dur à gérer. Assumer ou regretter ?

Nous agissons toujours à une fin précise, nous savons calculer le poids de nos actions et les conséquences qu’elles entraînent. Mais il arrive parfois que nous préférons ne pas les intégrer à nos prises de décision. L’appât du court terme satisfait bien trop notre gourmand cerveau pour qu’il nuise son plaisir d’une réflexion qui n’ira pas dans son sens. Le corps est submergé de molécules psychoactives, les sens observent déjà la récompense de leur hâte. L’imagination active une valve qu’il est impossible à refermer. Et par le simple attrait de la plausibilité, de la possibilité, notre réflexion est enfermée dans un placard le temps d’y croire. Nous nous laissons volontiers berner par nos plus grands désirs et il ne faut guère peu de promesses, aussi futiles soient-elles pour que nous abandonnions toute analyse de la situation. Nous nous noyons dans l’assouvissement de notre pulsion, dans la capitulation à notre tentation.

Une liberté de soi-même, l’impulsif a le droit de s’exprimer. Et il s’exprime aussi violemment, aussi intensément qu’il était tari sous le silence de la vertu. La pulsion émotionnelle s’échappe aussi vite qu’elle entrevoit la porte qui s’ouvre. Et s’échappe dans le dos de la valeur, celle qui la retient prisonnière de la conscience, celle qui la cloisonne du monde extérieur. Et plus la pulsion se sent séquestrée, plus son expression – lorsqu’elle arrive à s’évader de la morale (ou valeur) ; et elle y arrive toujours un jour ou l’autre – est ravageuse. Privez une boulimique de ses sucreries préférées et le jour où vous aurez le dos tourné il y a de fortes chances à parier qu’elle dévore toutes les provisions. Parce que la répression bouche l’artère des désirs mais ne ferme pas le robinet de leur source. Les désirs s’accumulent dans l’antichambre de notre conscience morale et si aucun flux ne permet leur déplacement il arrive que l’artère implose sous la pression de désirs non assouvis. L’excès est d’autant plus marqué que l’oppression était puissante. Le corps a accumulé jour après jour, censure après censure, la force suffisante pour contrer un ennemi qui lui violait sa liberté.

Nous sommes des animaux et notre santé mentale dépend de notre liberté. Plus celle-ci est entravée, plus nous adopterons des comportements pour nous la réapproprier. Une dynamite émotionnelle n’est rien que la conséquence de sentiments trop longtemps mis sous silence. Freud exprime bien cette dualité qui compose chacun de nos choix, chacune de nos actions : la morale et le désir pulsionnel. Plus l’écart entre les deux notions est marqué, plus dur et plus frustrant sera pour les deux partis le choix élu. Mais Oscar Wilde aussi en parlait joliment « Le meilleur moyen de résister à la tentation c’est d’y céder ». Voilà peut-être la clé. Le désir est là, il ne s’en ira pas tant qu’il ne sera pas assouvi, comme une rage de dent qui ne disparait pas tant qu’elle n’est pas soignée. Et même au-delà, la comparaison bat son plein car un désir comme une rage de dent s’amplifient avec le temps. L’effet est crescendo, plus on ignore, plus nos sens se manifestent pour être écoutés.

La relation entre notre conscience et nos désirs s’apparente à un parent et son enfant ou à un professeur et son élève. L’un éduque l’autre du savoir appris des autres et de l’expérience personnelle, tandis que l’autre apprend et grandit grâce à l’un. La bonne relation qu’on entretient avec soi-même découle de la bonne entente des deux protagonistes. Chacun a son mot à dire, chacun a son entité et chacun peut apprendre de l’autre autant qu’il apprend à l’autre. Comme toute relation, il arrive parfois qu’un terrain d’entente ne satisfasse aucun des côtés. Lorsque la morale ne se sent pas écoutée, elle se manifeste par la culpabilité, par la honte et le mépris. Quand c’est le désir qui se sent bafoué, on observe un excès émotionnel, une impulsion dévastatrice, une décompression de la valve sentimentale et un torrent effréné de hâte compulsionnelle. L’assouvissement immédiat d’une envie comme un chien qui se jette sur ses croquettes de peur de crever de faim. Donc la « pulsion » n’est que le reflet de désirs accumulés non assouvis. La morale de l’individu est la gardienne des décisions donc un désir non assouvi est un désir rejeté par la morale. Un désir rejeté ne s’évince malheureusement pas et s’accumule dans l’antichambre attendant sagement que la morale cède à sa requête. Mais la patience a des limites et si le pacifisme des tentatives subtiles de faire entendre ses doléances à la conscience n’aboutit pas, les désirs emploient la manière forte. Comme un gouvernement et son peuple, si le premier utilise son plein pouvoir pour ses intérêts personnels et néglige ceux du deuxième, le deuxième s’insurgera pour réclamer ce que de droit. Plus on oppresse, plus on alimente la rage de liberté.

Mais alors quoi, faudrait-il céder à toute tentation pour ne pas froisser ? Là encore l’excès n’est pas souhaité. En règle générale, le « tout ou rien » est rarement une stratégie adaptée. La question concerne l’équilibre d’un ratio entre le tout et le rien, entre le désir et la morale, une homéostasie basée sur la symbiose des deux aspects. Les deux concepts forgent notre personnalité et régissent notre organisme, ils travaillent de pair pour un objectif commun ; nous rendre heureux. Et comme notre bonheur dépend autant de nos désirs que de nos valeurs, ils sont besoin l’un de l’autre pour parvenir à leur fin, ils sont donc des alliés. D’ailleurs un désir est un bonheur qui s’assouvit sur le court terme tandis qu’une valeur est une conduite qui nous mène au bonheur sur le long terme. Les valeurs et les désirs ont la même fonction mais à une échelle différente.

Comment concilier les deux ? La valeur est le fond musical sur lequel se joue le désir, les notes de ce dernier peuvent varier assez fortement mais la mélodie doit toujours rester harmonieuse. Si l’instrumentale des valeurs est trop imposante, la voix du désir sera difficilement conciliable et seuls ses cris pourront peut-être le faire remarquer. Mais si la voix du désir est trop puissante, ou qu’elle n’écoute pas la mélodie musicale des valeurs, alors aucune harmonie ne saura émerger de ce bruit asynchrone et jamais les symphonies de Beethoven n’émaneront des partitions de notre vie.


Valentine Birnbaum

Le 09/12/2020, Plage de Poé


|Photo © Valentine Birnbaum, 2020, Wabao; Maré- Nouvelle - Calédonie

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