La frustration
- Valentine Birnbaum
- 27 oct. 2020
- 2 min de lecture

Mieux vaut être frustré que dégouté. Couper l’herbe sous les pieds du temps, brutaliser l’envie en la confinant. Maintenir le développement de la passion dans un ovule étanche. Maîtriser les braises de l’exaltation sous le seuil critique de l’embrasement. Attiser le désir en cessant net les caresses. Nourrir la curiosité d’interruption volontaire. Il s’agit de s’empêcher d’atteindre le sommet de la montagne quand le regard commence à s’y projeter. Planter sa tente là où la vue est suffisamment dégagée pour apercevoir de loin l’objectif final. Se frustrer de ne pas y être encore et se contenter désormais du futur pour contenir toute l’énergie qui parcours nos membres et fait frétiller d’impatience nos articulations. Se forcer à passer la nuit dans cette attente, elle porte conseil et alimente notre motivation de l’imaginaire que construit le cerveau pour calmer l’incertitude. Les fantasmes les plus fous se dessinent dans notre tête et le tourbillon des pensées attire comme le chant des sirènes l’attention au centre de cet objectif. « Tempête sous le crâne » prend tout son sens, un cyclone de spéculations et de réflexions agite chaque parcelle de notre corps et l’emporte en son œil. Le calme des tourments réapparaît et l’alpiniste est encerclé de dégradés de toutes les couleurs de son désir. Il est aveugle au reste du monde, sourd du murmure des autres occupations tant les parois de la trombe de son insatisfaction crient la nécessité de s’accomplir. Gravir le sommet devient dès lors un besoin essentiel, une pulsion intarissable, un devoir d’accomplissement. La frustration enflamme la fierté de notre âme, incendie le champ de la difficulté et en fertilise les terres d'un puissant engrais de motivation .
Valentine Birnbaum
le 10 avril 2020, Montpellier
| Photo © Valentine Birnbaum, 2020, Biscarosse
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